Lorsque le préfet de Seine St Denis s’inquiète de possibles « émeutes de la faim », ça interroge. Dans l’analyse des milieux populaires dans la crise du Covid-19 commençons par cette situation qui conditionne toutes les autres.
D’après l’Insee, la part des dépenses contraintes, incontournables, dans le revenu des français, est passée de 12% dans les années 1960 à près de 30% en 2017.
Parmi ces dépenses contraintes, le poste le plus important est le logement qui passe de 16 à plus de 18% de 2001 à 2017 durant la même période. Loyers et gaz et électricité). A qualité égale il a fortement augmenté.
Mais ce sont des moyennes ; pour les 10% les plus pauvres on passe de 31,5 à 48% (Après déduction des aides, le logement revient à 42% de leurs revenus.) contre 9,8 à10, 8 pour les 10% les plus riches. Le poids du logement est ainsi 4 fois plus élevé pour les plus modestes. Les bailleurs ont accru leurs marges.
Les propriétaires consacrent19% de leur revenu au logement contre 40,7% pour les locataires.
Si on ajoute les autres dépenses incontournables comme l’alimentation, les transports, la santé ou l’éducation, on est pour les plus modestes à 85% des revenus contre 65% pour les 10% supérieurs. Les jeunes ménages de centre ville dans le parc privé sont les plus touchés.
Pour le « reste à vivre », hors dépenses contraintes, c’est 80 euros/mois pour les 10% les plus modestes contre 1474 pour les 10% les plus aisés. Ce reste à vivre est fréquemment négatif si on ajoute les remboursements d’emprunts qui transforme en catastrophe tout changement négatif : séparation, chômage, amendes, pannes automobiles, maladie…
Ces données sont à corréler avec le creusement des inégalités de revenus qui s’amorce à la fin des années 1990.
Au quotidien, dans la vie réelle, on compare en volume, pas en %. Ainsi si les 10% les plus riches perçoivent sur un an environ 57000 euros, les 10% les plus pauvres touchent eux 8400 euros. Soit 48800 euros d’écart, soit 3,5 années de SMIC. Cet écart était de 38000 euros en 1996, soit 10000 euros de moins. Ces chiffres datant de 2017, on peut penser que la politique menée par Macron ne va pas les corriger.
Notre préfet de Seine St Denis, connait ces chiffres. Il sait aussi que la crise du Covid19, si elle touche tout le monde, a renforcé les inégalités, elle a augmenté le prix des produits alimentaires, accru le chômage, partiel ou non ; fragilisé encore davantage les précaires, supprimé les intérimaires, les boulots étudiants. Il sait aussi que le chômage partiel, c’est 85% du salaire ; que la fermeture des cantines subventionnées, comme des resto U pour les étudiants va peser sur les budgets.
Pour ne rester que sur l’aspect financier, la crise actuelle va lourdement toucher les plus modestes et atteindre pour beaucoup leur capacité même de survie. Elle souligne davantage encore l’urgence et la nécessité d’un autre partage des richesses dans les salaires, la fiscalité, les services publics comme la santé et l’école, à l’opposé des politiques menées depuis plusieurs années.
Cette crise, en les aggravant, ne fait que mettre en lumière les conditions absolument indignes dans lesquelles on fait vivre près de 9 millions de personnes, et qu’au rang de ce qui ne peut plus durer dans les jours d’après, ces conditions figurent en bonne place.
Nous verrons la suite dans un autre papier.