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Alerte! Quand la finance s’occupe du système de soins!

            Alors que les  discours du président de la République sur la «santé gratuite» partie prenante de ces « biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marchés», ses promesses  à l’hôpital de Mulhouse au sujet d’«un plan massif d’investissement et de revalorisation de l’ensemble des carrières […] construit pour notre hôpital » se veulent rassurants sur un changement de cap, dans le même  temps, les cercles étroits de la technocratie financière  préparent une entrée massive des financements privés dans tous les secteurs du système de soins, avec en suite logique  l’abandon des critères du service public.

            C’est la  note de la CDC (Caisse des Dépôts et Consignations) rédigée à la demande d’Emmanuel Macron,  publiée par  Mediapart (en pj), qui révèle les lignes directrices de ce projet destructeur: une évolution du système de santé qui, sous couvert de la crise sanitaire et du besoin de financement massif, en accélère la privatisation et la marchandisation. Fait par un organisme financier dont les critères sont depuis longtemps ceux des marchés financiers, et qui, de plus, est devenu un acteur majeur de  l’hospitalisation privée lucrative,  son fil directeur, sous la technicité des montages proposés,  est d’effacer par une série de dispositifs la ligne de démarcation entre le secteur privé et le secteur public pour anéantir définitivement ce dernier.

            Parmi les mesures les plus significatives, citons :

1- une restructurationet non une annulation– des  deux tiers de la dette  des hôpitaux publics ( l’Etat n’en a repris qu’un tiers à sa charge), accompagnée  de la création d’un «fonds de dette» commun au secteur privé,  prêtant à  long terme «en hybride soit aux hôpitaux , soit préférablement aux mutuelles et aux fondations qui les détiennent avec une obligation de fléchage des ressources».  En clair, un fonds de financement commun public/privé, qui privilégie le secteur privé  et  pilote la destination des financements.

2- Le recours massif aux  partenariats publics privés (PPP)  en dépit de la succession des expériences négatives et des rapports accablants venant d’institutions nationales (cour des comptes, rapport d’enquête sénatoriale) et européenne (cour des comptes européennes). Cette dernière, qui n’est certainement pas à la pointe du combat anti-libéral, constate néanmoins «le  manque considérable d’efficience, qui s’est traduit par des retards de construction et par une forte augmentation des coûts », une opacité comptable qui compromet « la transparence et l’optimisation des ressources », une inadaptation de ces contrats de long terme à suivre « l’évolution rapide des technologies ».

3-le basculement vers «la santé numérique», une solution miracle permettant  de faire coup double: décharger l’activité hospitalière,  et valoriser les investissements des nombreuses «start up» ( au nombre de 700, marché qualifié de peu mature, de modèle fragile, etc…)  et des compagnies d’assurances et des mutuelles qui se sont lancées dans le  financement de la télé-consultation.  Elles viennent d’ailleurs de créer un consortium «Alliance digitale pour le Covid-19» dans lequel on retrouve les principales d’entre elles: Allianz, AG2R la mondiale, Malkoff, associées à la  Banque Postale Assurances….Il s’agit en fait  de faire face à la saturation du 15 non pas en lui allouant les financements publics nécessaires mais en proposant des solutions privées pour en réduire l’accès.

4-Dans le sillage de Donald Trump, une proposition de conversion de navires en navires-hôpitaux, dont les aspects techniques, médicaux et humains  sont jugés hasardeux par nombre de professionnels, mais que l’on comprend mieux  quand on sait que la CDC a des engagements financiers importants dans des commandes de paquebots aux Chantiers Navals que les compagnies de croisières, mise à l’arrêt par la pandémie, risquent de ne pouvoir honorer.

5-Enfin, le meilleur pour la fin, faire sponsoriser par les grands organismes de recherche (institut Pasteur, institut Curie, Unicancer, etc..) «un  fonds de partage» auquel souscriraient  investisseurs privés et institutionnels, avec reversement de revenus aux «sponsors» pour leur opération promotion.  Avec la rapacité et le cynisme bien connus de la finance, quand elle flaire de bonnes affaires, il est dit sans ambages  que «les conditions de lancement […]seraient assez favorables compte tenu de l’impact sur les valorisations corporate de la crise actuelle » et que « ce type d’opérations pourrait […] être lancé très rapidement dans des conditions compétitives et avec le soutien de la place». En langage clair, la pandémie du covid-19 va favoriser l’attraction boursière des  placements financiers vers les secteurs de la santé. La finance n’hésite jamais  à battre monnaie sur le malheur humain».

            Pour imposer d’autres choix et faire obstacle  à l’achèvement du système public de soins sur l’autel du capital qui se prépare, il est impératif de rassembler toutes les forces qui se sont opposées à son  démantèlement, des personnels aux usagers en passant par les élus, pour un combat politique de haut niveau. Ces luttes ne peuvent plus s’en tenir à la seule expression des  besoins, mais doivent impérativement porter des exigences sur les modes de financement, qu’il s’agit d’arracher au plus vite aux griffes des marchés financiers.